La couverture du livre doit avoir fasciné le jeune David Robert Jones. Colorée d’un jaune et d’un vert blafard, elle représente un homme et une femme pénétrant dans une forêt sombre. Derrière eux, un vaisseau spatial en forme d’ampoules sur la surface d’une étrange planète. Au dessus d’eux dans le ciel, un poulpe extraterrestre scrute les humains. Ecrit par la légende de science-fiction Robert A. Heinlein, Starman Jones a été publié en 1953, lorsque Jones avait 6 ans, et le jeune garçon épris de science fiction qui deviendrait David Bowie en est fan. Certes, il a été captivé par le fait que le héros de l’histoire porte son nom et par le fait aussi, avec un peu d’imagination, qu’il pourrait un jour devenir un genre de Starman Jones.
Il n’a jamais perdu cette fascination. Une décennie plus tard, durant l’été 1969, le musicien de 2 ans sort son « Space Oddity », la chanson qui l’a lancé sur une orbite insoupçonnée de la renommée. Comme Bowie lui-même, l’astronaute protagoniste de ma chanson, le Major Tom, était destiné, ou peut-être condamné, à ne jamais revenir sur Terre.
« Space Oddity » a marqué un tournant dans la carrière de Bowie en le consacrant en véritable star. Quand on parle de musique et de science-fiction, c’est la chanson qui nous vient à l’esprit. Mais il n’était ni à sa première ni à sa dernière incursion dans l’imagerie et les thèmes de la science-fiction et de fantaisie. Dès 1965, son goût pour le travestissement le mène a adopté des coiffures et des costumes de scène tout droit sortis d’un film de science-fiction de série B des années 50.
Depuis toujours, Bowie se passionne non seulement pour Heinlein, mais aussi pour les œuvres d’autres sommités de la science-fiction tels que Ray Bradbury et George Orwell, dont les classiques L’homme illustré (en VO : The Illustrated Man) et 1984 se révéleront des influences importantes.
La fin des années 60 a été une période grisante pour la science, la science-fiction et la musique. La mission Apollo 11 a abouti à un atterrissage sur la lune le 20 Juillet 1969, marquant un tournant par rapport à la vision de l’utopique du mouvement hippie qui proférait un retour aux sources élévent le romantisme pastoral au dessus de la logique technocratique. Comme l’a noté le sociologue Philip Ennis, « Il n’est probablement pas exagéré d’affirmer que l’ère du Verseau s’est terminée quand l’homme a marché sur la lune. « .
Pendant ce temps, la science-fiction effectuait une véritable mutation. En 1964, un jeune éditeur nommé Michael Moorcock a pris les rênes de New worlds, un vénérable magazine britannique qu’il a utilisé comme une plate-forme avant-gardiste de science-fiction et de fantaisie. En 1969, New worlds étaient devenu un phare par son travail transgressif, publiant régulièrement des auteurs des deux côtés de l’Atlantique tels que JG Ballard, Samuel R. Delany, Thomas M. Disch, Brian Aldiss, Roger Zelazny, et Rachel Pollack ( sous le nom de Richard R. Pollack).
Tous ces auteurs de New worlds, et beaucoup d’autres, ont exploré des thèmes nouveaux au delà des perspectives optimistes et des techniques de narration linéaire prédominant jusqu’à ce jour en science-fiction . Leurs récits n’étaient pas des contes simplistes mettant en scène des intrépides explorateurs tels que Starman Jones de Heinlein. A la place, New Worlds mettait en scène l’ambiguïté morale et sexuelle, brisait les tabous, mettait en avant les récits d’expérimentation; Moorcock et sont équipe se sont lancés sur les traces de William S. Burroughs qui a inauguré ces incursions singulières faisant d’elles une partie intégrante des canons la science-fiction et l’avenir du genre.
Moorcock a publié une partie de son propre travail dans New Worlds. Le style connu aujourd’hui comme la New Wave émergea à travers toutes ces publications. Sa série de romans et de nouvelles mettant en scène le personnage de Jerry Cornelius ( Le programme final (1965) étant le premier recueil) résume cette période transitoire. Cornelius est un agent secret androgyne et mystérieux et durant son temps libre, il est aussi une rock star.
Le parallèles entrele « caméléon » Cornelius et David Bowie sont indéniables. Les deux sont des produits de la « scène mod » du Swinging London du milieu des années 60, où Bowie a fait ses armes en tant qu’artiste. Dans sa quête de reconnaissance, Bowie a souvent switché entre ses différents avatars scèniques, un processus qui a finalement abouti à son image androgyne à la hauteur du mouvement glam dans les début des années 70, quand il se réinvente en Ziggy Stardust.
A suivre…
Source de l’article : http://pitchfork.com/features/articles/9787-anthems-for-the-moon-david-bowies-sci-fi-explorations/